Les 40 ans de l’ADISQ surviennent à une époque charnière pour la musique, soulignent 15 bâtisseurs de l’industrie
À l’occasion des 40 ans de l’association, d’anciens présidents de l’ADISQ, nommément Claude A. Ranallo, Guy Latraverse, Michel Gélinas, Denys Bergeron, Alain Paré, André Ménard, Michel Sabourin, Rosaire Archambault, Michel Bélanger, Pierre Rodrigue, Jacques K. Primeau, Yves-François Blanchet, Paul Dupont-Hébert et Claude Larivée, ainsi que le président actuel, Philippe Archambault, lancent un appel au public et aux décideurs. Ces grands bâtisseurs de l’industrie québécoise de la musique constatent que la chanson québécoise se trouve à un moment charnière de son histoire et souhaitent que collectivement, nous nous donnions le pouvoir de la faire entendre. Ils signent à cet effet une déclaration commune.
Évoquer une époque charnière n’est pas exagéré : alors que depuis plus de 15 ans, les créateurs et producteurs de contenu œuvrent dans un marché qui devient chaque jour plus inéquitable et déséquilibré, plusieurs processus cruciaux ont finalement été lancés cette année par les décideurs. Leur issue aura un impact sur la pérennité de notre patrimoine musical.
Le 30 septembre dernier, le gouvernement canadien a annoncé avoir réussi à préserver l’exemption culturelle lors de la renégociation de l’accord de libre-échange entre les États-Unis, le Mexique et le Canada. Cette annonce a été célébrée par le milieu culturel, et notamment par l’ADISQ, puisque le gouvernement a maintenant les coudées franches pour soutenir efficacement les créateurs et producteurs de contenu canadien, par exemple grâce à la modernisation, déjà entamée, de trois lois clés pour le secteur de la musique : la Loi sur le droit d’auteur, la Loi sur la radiodiffusion et la Loi sur les télécommunications.
Des questions majeures sont en jeu dans ces processus : les sommes versées aux créateurs et producteurs de contenu par les nouvelles plateformes comme YouTube, Spotify et Apple Music, la visibilité des contenus locaux sur ces mêmes services, l’utilisation des données personnelles des consommateurs, pour n’en nommer que quelques-unes, seront abordées.
Que faut-il espérer de ces processus ? Beaucoup, répondent d’une seule voix le président de l’ADISQ et ses prédécesseurs, qui tiennent à rappeler que l’industrie québécoise de la musique telle qu’on la connaît, c’est-à-dire une industrie composée de joueurs d’ici, a émergé à la suite du désengagement des grandes multinationales étrangères de notre marché à la fin des années 70, parce qu’elles l’ont jugé commercialement inintéressant en raison de sa taille et de sa spécificité.
Aujourd’hui, ce sont toujours des entreprises d’ici qui produisent notre musique. Mais les nouveaux intermédiaires qui ont le pouvoir de la faire entendre sont étrangers. Il paraît hautement légitime de craindre que, comme il est arrivé il y a 40 ans, ces derniers, qui nous connaissent mal et échappent à toutes nos lois, concluent à nouveau que nous sommes un petit marché, bien singulier, qui ne mérite pas une attention particulière. Il est impératif de cesser de s’en remettre à leur bonne volonté pour assurer la pérennité de notre musique.
Les gouvernements en place sont appelés, à court terme, à poser des gestes qui demandent du courage politique. Les enjeux sont majeurs et auront un impact sur le grand public. Ce dernier doit être informé de ces processus, pour qu’il puisse ensuite participer de façon éclairée au débat public.
Et en attendant que tous ces processus cruciaux, mais dont les effets sont incertains et mettront du temps à se faire sentir, aboutissent, il paraît essentiel de le rappeler : il faut d’urgence soutenir les créateurs et producteurs de contenu. Parce qu’il est toujours préférable de maintenir et prendre soin de ce qui existe que de tenter de le reconstruire une fois disparu.
Citations :
« Je viens de prendre les rênes d’une association qui a eu un impact majeur dans le développement l’industrie québécoise de la musique, un héritage dont je suis fier, et que j’entends honorer. J’arrive à un moment charnière : plusieurs processus sur lesquels repose l’avenir de notre chanson ont cours. Il y a 40 ans, les Québécois ont créé un écosystème musical unique, qui a permis à de nombreux artistes de s’épanouir et de rayonner, ici et dans le monde. Au cœur de cet écosystème, il y a l’amour du public pour ses artistes. Aujourd’hui, on demande en quelque sorte au public de renouveler ses vœux avec la chanson d’ici. Parce que le courage politique que tout le milieu appelle, certainement, s’en trouvera renforcé. », a affirmé le président actuel de l’ADISQ, Philippe Archambault.
« En 1979, c’est moi qui ai signé le mot qui figurait dans le premier Programme souvenir du Gala de l’ADISQ. J’y écrivais alors que “d’avoir un objectif économique et industriel n’affecte en rien la qualité ‘culturelle’ du produit artistique québécois. Bien au contraire, une industrie forte avec des moyens financiers importants servira mieux la culture en mettant à la disposition des créateurs une machine capable de la diffuser, leur permettant ainsi de mieux vivre de ce beau métier et de favoriser les générations futures.” On pourrait croire que depuis l’époque, tout a changé en musique. Pourtant, aujourd’hui, mon message demeure identique. Ayons à nouveau le courage de se doter des outils nécessaires pour conserver le pouvoir de faire entendre notre chanson. », a affirmé le président de l’ADISQ en 1980 et créateur du Gala, Guy Latraverse.